Pas d’aperitivo sans grignotage !

Boisson et grignotage sont indissociables dans l’aperitivo

Si le rituel de l’apéritif est né à Turin, son origine est liée certainement à l’invention du Vermouth mais également à une tradition venant des campagnes du Piémont. Les paysans, qui travaillaient dans les champs de l’aube jusqu’au coucher du soleil, avaient l’habitude de se réunir pour un repas dénommé « merenda sinoira » à base de charcuterie, fromages et « frittate » (omelettes) et un verre de vin. Au cours du XIXème siècle, la bourgeoisie de Turin s’empara de cette tradition pour accompagner le Vermouth, qui venait d’être inventé et qui passionnait tout le monde. Dans une société en évolution qui demandait plus de moment d’échange et de socialisation, de partager un verre et de l’accompagner avec des petits grignotages pour éviter l’ivresse c’était une idée gagnante.

itinerari des saveurs

L’aperitivo rejoint Venice

Au même temps dans une Venise, qui désormais appartenait à l’empire autrichien, une tradition se répandait de plus en plus. Dans les « bacari » (les tavernes) la traditionnelle « ombra de vin » (comme on appelait le petit verre de vin) s’accompagnait avec les « cicchetti » autrement dits « spunciotti » (du fait qu’on pouvait les prendre avec un cure-dent). Il s’agissait de petits amuse-gueules declinés dans en une infinie variété de saveurs et de textures qui constituent une sorte de panorama de la cuisine traditionnelle de Venise.

La contribution anglaise : le « tramezzino »

Dans l’Angleterre du XVIIIème siècle le comte John Montagu créa le sandwich. La nouveauté arrive rapidement à Turin, où elle trouve très bien sa place pour accompagner le Vermouth. A Venise il se modifie et devient « el tramesin ». Ensuite il se répand dans toute l’Italie sous le nom de « tramezzino » et son succès sera tel que la revue « La cucina italiana » en publia une recette officielle en 1936.

Mais « el tramesin » de Venise reste une recette particulière. Pour commencer, le pain, strictement sans croûte, doit être très mou et humide. C’est mieux s’il s’agit d’un pain au lait, rendu encore plus riche par le rajout de la mayonnaise. On rajoute ensuite dans la partie centrale un remplissage très abondant qui lui donne sa forme typique « arrondie ».

La liste des garnitures est richissime et elle a grandi avec le temps. Parmi les plus classiques : jambon et champignons, artichauts, fromages, mozzarella et tomate ou thon et œuf. Pour les amateurs de poissons : crevettes, crabe morue ou sardines, tous des produits typiques de la tradition culinaire vénitienne. Et si la tradition à Venise continue d’évoluer en passant des anciens « bacari » au célèbre Harry’s Bar fondé par Giuseppe Cipriani en 1936 et rendu célèbre par Ernest Hemingway, l’histoire de l’apéritif se répand de plus en plus dans d’autres villes d’Italie et en particulier à Milan.

Milan prend le relais

Pharmacien ayant inventé en 1815 l’amère Felsina Ramazzotti, Ausano Ramazzotti ouvra son premier bar à Milan dans la rue Santa Margherita, à quelques pas du Duomo et du Teatro alla Scala. C’est le début de l’histoire de l’apéritif dans la ville lombarde. En 1860, Gaspare Campari ouvra à Novara le « Caffè dell’Amicizia » et en 1867 le « Caffè Campari « dans la Galleria Vittorio Emanuele nouvellement inaugurée au coin de la Piazza Duomo. En 1915, son fils Davide décida d’ouvrir à l’autre coin de l’entrée de la Galerie le « Camparino ».

Après la guerre, l’attention se déplace à Rome dans les cafés bondés de « via Veneto » et à Florence où dans les années 60 voit le jour le « Bar Basso » où Mirko Stocchetto, son fondateur, créa le « Negroni sbagliato ».

Mais Milan redeviendra la capitale de l’apéritif à partir des années 1980 quand la « Milano a bere » (Milan à boire) devient un incontournable du style de vie à l’italienne. L’expression tire son origine d’une publicité de la marque Ramazzotti mais elle représentait bien l’époque qui mettait le rituel de l’apéritif et les soirées dans les boîtes de luxe au centre du concept de succès social et économique.

Au dépit des changement vécus par la ville au cours des années 1990, l’apéritif reste un moment crucial dans la journée des milanais et ce sera Vinicio Valdo à lui donner une nouvelle impulsion en inventant la formule de l’apéritif « Milan-style » dans laquelle les boissons sont accompagnées d’un buffet lucullien avec toutes sortes de plats. Le concept d’« apericena » (apéritif/dinêr) était né et il envahit l’Italie entière. Malheureusement, les caractéristiques même de l’idée, qui demande un grand engagement dans la préparation et une grande qualité des produits, a conduit dans le temps à une diminution constante de la qualité de la nourriture et des boissons servies. Ce pourquoi dans les dernières années dans les meilleurs cafés et bar des villes italiennes, le concept de l’apéritif est revenu à son idée d’origine : un bon moment pour profiter d’un verre de bon vin ou d’une bonne boisson (très souvent sans alcool) accompagnée par des amuse-gueules plus proches de la tradition.

Donc, qu’est-ce qu’on mange avec l’apéritif ?

Bien évidemment, les produits changent selon les traditions de la région mais essayons de dresser une petite liste, non exhaustive bien évidemment : des morceaux de charcuterie ou de fromages, des grissini, des petits morceaux de pizza ou de pinsa, des crostini tartinés, des légumes conservés sous-huile, des olives, des petits morceaux de tarte salée, des mises en bouche frites ainsi que les traditionnelles chips et cacahuètes.

Cela dit, le mélange de tradition et de créativité du chef donne souvent des résultats très originaux et très gourmands !