Colomba pascale

La gaieté de la table de Pâques

Voyage entre les traditions gastronomiques italiennes à l’occasion des Pâques

Fête de la résurrection, de la renaissance et de la vie qui se renouvelle, la fête de Pâques est un flambeau de senteurs et de saveurs sur les tables d’Italie. Après les quarante jours de Carême, cette époque du calendrier liturgique chrétien caractérisée par le jeûne et la réflexion, le dimanche de Pâques est le jour où la joie prend la place de la tristesse, une fois terminés les trois jours qui la précèdent quand la tradition catholique commémore la mort et la résurrection du Christ.

La gastronomie de Pâques s’inspire de nombreux symboles du christianisme et du monde juif : l’agneau, à différentes latitudes tout au long de la péninsule, reste l’un des plats les plus cuisinés, un lien entre les différentes régions et un symbole par excellence de la Pâque juive et des Pâques chrétiens.

Qu’il soit dur, coloré ou inséré dans des gâteaux rustiques ou au chocolat, l’œuf est lui-même un symbole du sépulcre qui s’ouvre pour laisser la place à une nouvelle vie et à un nouvel espoir. Entre la présence d’une conscience plus ou moins authentique et dans le sillage des traditions transmises de génération en génération, nous découvrons quelques-uns des plats typiques de Pâques italiennes.

itinerari des saveurs

Pain et produits dérivés

Si dans la tradition juive était strictement sans levain et mangé avec des herbes amères, le pain est un élément indispensable de la table de Pâques et est aromatisé selon les différentes typicités régionales. La « torta pasqualina » (tourte pascale) est né à Gênes au 15ème siècle mais est préparé dans toute la Ligurie. La recette est faite avec des œufs, du fromage, des blettes, de la ricotta, des épinards et des herbes de champ. Tout cela est enfermé dans une coquille de pâtes fines qui, selon la tradition, consisterait en trente-trois fines couches de pâte feuilletée, pour rappeler l’âge du Christ à sa mort.

À Naples, le pain est rustique et appelé casatiello. La recette est variable et jalousement gardée de quartier en quartier, de famille en famille. Dans la pâte du casatiello il y a le saindoux et elle est assaisonné avec de la pancetta, du salami, des œufs durs, du « provolone dolce » ou « semipiccante » et beaucoup de fromage pecorino (de brebis), dont le nom de casatiello qui dériverait de « Caso » qui signifie fromage.

La « Torta al formaggio » (tourte au fromage) typique de l’Ombrie est le résultat d’une pâte à base de farine, œufs, fromage pecorino et Parmigiano rapés, levure de bière, huile ou saindoux, lait, sel, poivre. Elle se caractérise par sa forme qui rappelle le panettone de Noël. Dans la tradition on la mange au petit déjeuner le matin du jour de Pâques accompagnée par de la charcuterie, des fromages et des œufs durs. La recette de ce grand pain tendre et levé appartient également à la tradition des Marches et de la Toscane avec le nom de « crescia », qui indique la croissance de la pâte pendant la levée et la cuisson.

Depuis l’époque de la domination espagnole, la recette de l’« impanata ragusana » s’est répandue en Sicile. Il s’agit d’une focaccia avec des différentes couches de pâte feuilletée qui peut être farcie de différentes manières. A Pâques elle est généralement farcie de viande d’agneau ou de chevreau et ensuite cuite avec de la tomate et du vin rouge.

Les pâtes

Les premiers plats de Pâques sont les différents types de pâtes faites maison, que ce soit des pâtes aux œufs ou un mélange d’eau et de farine. Parmi les différentes recettes régionales, les « agnolotti » piémontaises, ou « agnolotti del Ploin » dans les Langhes, sont particulièrement appréciées. Il s’agit de ravioles farcies à la viande et assaisonnées au beurre et à la sauge.

Sont également très appréciées les lasagnes vertes émiliennes assaisonnées à la béchamel et à la sauce bolognaise, les « orecchiette » des Pouilles aux artichauts et aux amandes, les « pillus » de la Sardaigne, des pâtes qui ressemblent aux tagliolini généralement accompagnées par du bouillon de mouton ou de bœuf.

Les plats de viande

Comme nous l’avons déjà dit, de la Vénétie à la Campanie, du Frioul-Vénétie Julienne à la Sicile en passant par l’Ombrie, l’agneau est le plat principal du déjeuner de Pâques. Qu’il soit cuit avec des pommes de terre, du romarin et des oignons, avec du fromage et des œufs, truffé ou rôti, les recettes sont nombreuses et toutes très savoureuses. Pour ceux qui n’aiment pas l’agneau, le plat de viande proposé dans le Piémont est le « Brasato al Barolo », un ragoût de bœuf mariné pendant une demi-journée dans le très renommé vin rouge Barolo avec du céleri, des carottes, des oignons, des baies de genièvre, des clous de girofle et de la cannelle et ensuite cuit dans sa marinade pendant deux heures à feu très doux. Les herbes sont ensuite mixées et ajoutées à la viande, qui doit cuire encore pendant trente minutes avant de pouvoir la servir, accompagnée de purée de pommes de terre ou de polenta.

Les accompagnements

Qu’elle que soit la date, le dimanche de Pâques arrive toujours au printemps, une saison où la variété des produits dans les champs est large et très savoureuse. La viande peut être accompagnée par des pommes de terre, mais par exemple en Calabre et en Sardaigne on choisit plutôt les artichauts, dans les Pouilles, on préfère les « cardoncelli » bouilli et sautés dans l’huile et l’ail et aromatisés avec des tomates cerises, du fromage pecorino râpé et des œufs battus. Dans le Latium et dans le sud de l’Italie en général, les fèves apparaissent sur les tables, servis avec du fromage pecorino, du salami et du pancetta en particulier dans la région de Rome.

Et bien évidemment comme accompagnement ou comme entrée, la charcuterie de la tradition italienne ne peut pas manquer : soppressata, salami, capocollo, jambon cru, lonza, pancetta ou porchetta, toujours accompagnés par des œufs durs. En Campanie, on dénomme « fellata » cette combinaison de saveurs associée à la ricotta de brebis séchée et un peu épicé.

Les sucreries

La tradition des œufs pascales remonte au XIVe siècle, lorsqu’ils étaient décorés comme emblème de la renaissance. Nous devons la création des œufs en chocolat à un maître chocolatier français : David Chaillou. C’était l’époque de Louis XV et David Chaillou était le seul autorisé à vendre ce genre de chocolat à Paris. Mais en Italie, on n’a pas de Pâques si on n’a pas la « Colomba » (colombe). Il s’agit d’une brioche typique de Lombardie faite de farine de blé, sucre, œufs, agrumes confits, levure et sel. Symbole sucré de paix et de salut, il a connu au fil du temps diverses variantes. Enrichie avec du chocolat, des crèmes, des confitures ou des fruits secs, toutes les différentes recettes partagent la même forme et la même pâte de base.

A Naples, après le casatiello et la fellata, Pâques est scellée par la « pastiera » napolitaine, un dessert incontournable pendant ces jours de fête. On dit que la recette traditionnelle a été créée dans l’église de San Gregorio Armeno. La base est faite de pâte sucrée fourrée de ricotta, de blé cuit et de fruits confits, le tout aromatisé à la fleur d’oranger qui remplit les maisons de son parfum.

En allant vers le nord, en Vénétie, vous pourrez déguster le Bussolai, des biscuits typiques de Burano à base de farine, œufs, beurre et sucre. Ils sont particulièrement friables et sont accompagnées par des vins doux, du zabaione ou du chocolat chaud.

Dulcis in fundo, chaque année en Sicile et dans les Pouilles les vitrines des pâtisseries sont décorées avec des agneaux de pâte d’amande. La recette a son origine dans les monastères féminins. Ce gâteau à base de pâte d’amandes est aujourd’hui répandu partout et il est proposé avec des formes très différentes et créatives, au point qu’il est particulièrement recherché sur les réseaux sociaux.