Tout le monde adore les grissini, ces petits batônnets qui viennent du Piémont et qui ont su conquérir une place importante dans l’univers du pain
Désormais connus dans le monde entier, les grissini sont originaires du Piémont et de Turin en particulier. Il est difficile d’établir la date de leur création mais en revanche l’époque qui les a fait connaître est bien identifiée : autour du 1679. A cette époque, Vittorio Amedeo II de Savoie, destiné à devenir le roi de Sardaigne, est un garçon avec des importants problèmes de santé liés en particulier à l’estomac. Il mange peu et il digère difficilement, en particulier la mie blanche et dense qui caractérise le pain préparé à l’époque à Turin.
Aujourd’hui, les médecins auraient très probablement imaginé une intolérance au gluten mais à l’époque ils avaient des difficultés à comprendre l’origine du problème. Le collège médical de la cour qui était présidé par le padouan Pietro Fanzago, médecin protomédical de cour depuis 1669, établit un régime alimentaire spécifique et adapté aux exigences du jeune qui prévoyait, entre autres, l’élimination du pain et l’utilisation des gressins.
Les gressins entre tradition et histoire
Selon la tradition populaire, Antonio Brunero, boulanger de Lanzo Torinese, aurait créé les premiers gressins en suivant les indications des médecins. Toutefois, plusieurs témoignages montrent qu’ils existaient déjà depuis au moins le quatorzième siècle. Leur origine serait le « ghërsa» ou « grissia », une typologie de filon de pain à base de farine de seigle, d’orge et de blé très répandue au Piémont. D’ailleurs, dans le baptistère de la Cathédrale de Chieri, dans la province de Turin, dans une fresque remontant au XVe siècle il est présent un personnage en train de manger quelque chose qui ressemble à un gressin.
Quoi qu’il en soit, une fois arrivés à la cour les gressins ont connu un succès irréfrénable. Toute la famille des Savoie les adorait mais également Louis XIV, qui les faisaient venir de Turin, et Napoléon Bonaparte, qui les trouvaient plus adaptés à ses problèmes d’estomac et qui les appelés “petits bâtons de Turin”. La tante de Vittorio Amedeo II, Maria Felicita, était une grande estimatrice des gressins et dans un portrait on la voit en offrir un à un petit chien, ce qui lui aurait valu le surnom de « princesse du gressin ».
La préparation des gressins était à l’origine très complexe
La préparation des gressins était à l’époque très complexe. Quatre personnes étaient nécessaires, chacune avec sa spécialité (les noms sont bien évidemment dans le dialecte de Turin). Le « Stiror » allongeait la pâte, le « Tajor » prenait la suite et découpait la pâte en morceaux, le « Coureur » déposait deux bâtons sur une palette très étroite et longue (jusqu’à 4 mètres !) et l’introduisait dans le four chauffé au bois de peuplier et enfin le « Gavor » retirait les bâtons du four et les brisait en deux.
Les typologies de gressins protégés officiellement
Les typologies de gressins dans le temps sont devenues nombreuses mais la Région Piémont en protége seulement deux sous la classification PAT (Produit Agroalimentaire Traditionnel) : le « rubatà » et les « stirati ».
La forme la plus ancienne et la plus traditionnelle est le « Rubatà », qui en dialecte signifie « tombé », en faisant référence au geste de faire tomber les bandes de pâte sur le plan de travail. Originaire du territoire de Chieri, il est long de 40 à 80 centimètres et présente une nodosité caractéristique, liée au travail à la main. Les ingrédients sont : farine de blé tendre, eau, levure, malt, sel et éventuellement de l’huile ou du saindoux.
Pour les gressins « stirati », de création plus récente, on n’utilise pas de malt et de graisse. Travaillée à la main par roulement et léger écrasement, la pâte est réduite à des bandes très fines, d’un mètre et demi de long au moins, c’est-à-dire comme l’ouverture des bras des boulangers !
Dans les deux cas, il s’agissait d’une procédure simple qui a permis la mécanisation déjà au XVIIIème siècle.
Mais au-delà des recettes officielles, les variantes se sont multipliées au fil du temps et aujourd’hui dans les meilleures boulangeries ils sont disponibles des gressins au kamut, au sésame, au fenouil, au piment, aux olives, aux noix jusqu’à arriver aux variantes sucrées au chocolat ou caramélisés.
Et pour termine, un petit conseil
Pour terminer, un seul conseil : oubliez les produits industriels et faites l’efforts de chercher des produits artisanaux. Vous ne serez pas déçus et le prix forcément légèrement plus important sera largement compensé par le véritable plaisir gourmand qu’un « grissino artigianale » pourra vous donner !