Trois femmes cuisinent une recette d'Ada Boni

Ada Boni et le « Talismano della felicità »

Ada Boni, cheffe et journaliste : un pilier de l’histoire de la gastronomie italienne

Ada Boni est une figure emblématique de la gastronomie italienne à laquelle elle a consacré toute sa vie en tant que cheffe, rédactrice de magazine, écrivaine gastronomique, entrepreneuse et auteure de livres.

Elle a été l’une des premières femmes à écrire sur la cuisine italienne. A travers ses livres et surtout son magazine « Preziosa » fondé en 1915, elle a joué un rôle crucial dans la préservation, l’éducation, la promotion et l’innovation de la cuisine italienne.

La cuisine, une passion dès l’enfance

Née à Rome le 11 octobre 1881, Ada Giaquinto grandit dans une famille de commerçants et dans le milieu de la bonne bourgeoisie romaine. Ses parents géraient une boutique de tissus et dentelles renommée, sa sœur et elle étant destinées aux études professionnelles et son frère aux études universitaires, comme la tradition le voulait à l’époque. Mais déjà à l’âge de dix ans, Ada a la chance de montrer son attitude et son intérêt pour la cuisine à son oncle Adolfo Giaquinto, un chef très apprécié et directeur d’une des plus importantes revues gastronomiques de l’époque : « Il Messaggero della cucina ». Ce sera lui à donner à une toute jeune Ada la formation de base nécessaire mais surtout à faire coexister sa créativité exceptionnelle avec une technique solide.

itinerari des saveurs

Première femme à faire de la gastronomie une profession

Précoce dans tous les domaines, encore toute jeune Ada tombe amoureuse du fils des propriétaires de la bijouterie située à côté de la boutique de ses parents : Enrico Boni. Un peu plus âgé qu’elle, il montrait lui aussi une créativité exceptionnelle : il était orfèvre, sculpteur, peintre, photographe, critique, écrivain et mélomane !  Leur mariage quand ils étaient encore très jeunes devient également un partenariat professionnel-conjugal réussi. Ils habitent l’ancien Hôtel Odescalchi, ils passent leur temps libre à la mer (à Santa Marinella) et ils fréquentent les milieux culturels de la capitale. Ada devient de plus en plus compétente en cuisine et Enrico soutient et encourage le talent de sa femme.

En remarquant que dans leur milieu bourgeois il y avait toujours une femme de ménage dans les familles mais presque jamais une cuisinière, Enrico suggéra à Ada de fonder un magazine dédié aux maîtresses de maison pour les aider dans la tâche. Une intuition de marketing génial qui s’insérait parfaitement dans le cadre économique et familial de l’époque. La revue « Preziosa » voit le jour en 1915, en plein cœur de la Première Guerre Mondiale, et elle obtient tout de suite un très bon succès. Ada Boni propose des conseils, des recettes de plus en plus raffinées et déjà vérifiées par elle-même, parle de sa famille et arrive à créer un véritable lien avec ses lectrices.

Des milliers de recettes

Son livre le plus célèbre, « Il talismano della felicità » (Le talisman du bonheur) est publié en 1925 merci le support de ses fidèles lectrices qui ont payé en avance pour s’en assurer une copie. Le livre est considéré tout de suite comme l’un des classiques de la cuisine italienne et il reste encore très populaire. Véritable référence pour les cuisiniers amateurs, cadeau populaire pour les jeunes mariés, le livre propose presque deux mille recettes avec des indications beaucoup plus précises que dans le passé pour ce qui concerne les ingrédients.

Un livre devenu une référence

Le « Talisman de la Félicité » est un livre de cuisine italienne, en lien surtout avec la cuisine bourgeoise, qui a marqué son époque et qui a continué à influencer la cuisine italienne pendant longtemps. Il est subdivisé en différents chapitres qui suivent l’ordre moderne du repas italien, tout en donnant une place très importante aux pâtes, avec plus de 130 recettes.

Dans son introduction, Enrico Boni trouve l’occasion d’attaquer explicitement Pellegrino Artusi qu’il accuse d’être un gastronome qui ne savait pas cuisiner : « L’auteur qui a réussi à vendre des chiffons et des guirlandes pour des soies rares et de l’or était Pellegrino Artusi, divinité gardienne de ces familles où l’on ne sait pas cuisiner. Pour certains, tout ce que dit Artusi est évangélique, même quand cet auteur ineffable écrit les absurdités les plus flagrantes avec une indifférence olympienne. ». D’oser s’attaquer à ce monument de la cuisine italienne demandait de l’audace et des compétences importantes !

Une reconnaissance à l’international

En 1929, Ada Boni publie son nouveau livre « La cucina romana » (La cuisine romaine), avec l’objectif déclaré de sauver la cuisine traditionnelle qui était en train de se perdre. Elle continue de publier d’autres livre, y inclus « Italian Regional Cooking », publié à New York par Bonanza Books en 1969.

Son œuvre a exercé une influence significative sur la cuisine italienne de plusieurs façons. Elle a joué un rôle important dans la préservation de la cuisine traditionnelle. En parcourant l’Italie pour recueillir des recettes traditionnelles, en particulier de sa région natale du Latium, Ada Boni les a ensuite documentés dans ses livres et son magazine. Des œuvres qui ont éduqué des générations entières de cuisiniers et de cuisinières merci le détail qu’elle mettait dans la description et la facilité de réalisation. De plus, ses livres, traduits en plusieurs langues et utilisés dans le monde entier, ont contribué à faire connaître la cuisine italienne à l’étranger.

Dans le sillon de la tradition avec une touche personnelle

Mais Ada Boni n’était pas seulement une ardente défenseure de la tradition, elle n’a jamais hésité à innover en proposant des interprétations plus modernes de la cuisine traditionnelle.

Donc, elle a joué un rôle crucial dans la préservation, l’éducation, la promotion et l’innovation de la cuisine italienne. D’ailleurs, elle a eu également une importante reconnaissance de la part des médias. Un seul exemple pour tous : le Chicago Tribune l’a qualifiée de “géante culinaire” et a souligné l’importance de son livre pour des générations de femmes italiennes. (Daley, Bill (15 May 2013). « Culinary Giant: Ada Boni – Wrote the must-have cookbook for generations of Italian women ». Chicago Tribune. Retrieved 15 March 2014).

La mort de son mari en 1935 la laissera seule avec le soutien de ses fidèles lectrices qui l’ont accompagnée dans toute son aventure éditoriale qui est terminée en 1959 quand le magazine « Preziosa » arrêta les publications.  Mais elle continua à écrire des livres et à travailler pour la promotion de la gastronomie italienne jusqu’à sa mort en 1973 à Rome.

Son dévouement à la préservation et à la promotion de la cuisine italienne traditionnelle ont fait d’elle une figure respectée et aimée dans le monde de la gastronomie italienne.

Un nouveau rôle pour la femme

Ada Boni a été une femme qui a défié son époque : première femme à s’imposer dans le domaine de la gastronomie à une époque où le rôle de la femme était seulement celui de la famille, gourmande passionnée, entrepreneure, journaliste, divulgatrice quand tout cela était le domaine des hommes. Elle a eu la capacité de redéfinir le rôle de la femme en cuisine qui ne se pose plus comme simple exécutante mais exprime son plaisir et sa créativité. « Le Talisman du bonheur » est encore aujourd’hui un livre de cuisine important dont le rôle dans l’histoire de la gastronomie italienne est indéniable.