Le Panforte est un gâteau riche d’histoire, qui nous transporte du Moyen Âge jusqu’à l’Italie du XIXème siècle, mêlant légendes monastiques, batailles épiques et hommages royaux.
Personne ne connait exactement la date de naissance du Panforte, mais certains la situe autour de l’an mille. À cette époque à Sienne, il était très apprécié un gâteau appelé Pan Mielato : une préparation à base de farine, d’eau et de miel, agrémentée de fruits frais (généralement des raisins et des figues).
L’étymologie du nom « Panforte » nous raconte une anecdote culinaire fascinante. En raison de la forte teneur en humidité des fruits frais, le gâteau ne se conservait pas bien. Par temps chaud, il finissait souvent par fermenter, prenant un goût aigre et une odeur acide. Les Siennois appelaient ce pain fermenté « Panis Fortis » (le pain fort ou pain acide). Ce problème de conservation a finalement conduit les pâtissiers de l’époque à chercher des solutions.
L’arrivée des épices : le Panpepato
C’est au XIIIe siècle que le destin du Panforte bascule. Idéalement située sur la Via Francigena (la route des pèlerins reliant la France à Rome), Sienne devient une plaque tournante du commerce des épices. Le poivre, la cannelle, les clous de girofle et la noix muscade arrivent d’Orient et sont considérés comme des denrées précieuses, presque médicinales.
Le Panforte s’enrichit alors de ces ingrédients rares et devient le Panpepato (pain poivré). À l’époque, ce dessert était un luxe absolu, réservé aux nobles, au haut clergé et aux grandes occasions. Sa fabrication était d’ailleurs confiée à l’Arte dei Medici e Speziali (la guilde des médecins et apothicaires). Seules les herboristeries et les pharmacies possédaient les stocks d’épices nécessaires à sa réalisation.
Le Panforte entre mythe et légende
Le Panforte est indissociable des légendes populaires qui animent Sienne. En particulier, celle concernant la Bataille de Montaperti (1260), opposant Sienne à Florence. Elle raconte qu’alors que les troupes florentines étaient épuisées par leur marche, les soldats siennois auraient emporté dans leurs besaces des parts de Panpepato. Grâce à la densité calorique et énergétique exceptionnelle du miel, des amandes et des épices, les Siennois auraient conservé la vigueur nécessaire pour remporter la victoire. Le Panforte est ainsi devenu, dans l’imaginaire collectif, le « gâteau de la force ».
Une version plus mystique, attribue l’invention du Panforte à une religieuse, Sœur Berta. Inquiète de l’état de santé de ses concitoyens lors d’un siège de la ville, elle aurait mélangé du miel, de la farine, des amandes et toutes les épices restant dans les réserves du couvent pour créer un aliment capable de soutenir les plus faibles. La légende dit que l’odeur magnifique qui s’échappa du four fut interprétée comme un signe de protection céleste.
Quelle que soit la véritable histoire, le Panforte a traversé les siècles toujours apprécié et proposé dans les occasions les plus importantes.
La naissance du Panforte Margherita
Pendant tous ces siècles, le Panforte est resté toujours « noir » : très poivré et recouvert d’un mélange d’épices fortes. Mais en 1879, une nouvelle étape se rajoute au long parcours de cette spécialité et la Panforte devient « blanc » !
À l’occasion d’une visite à Sienne de la Reine Marguerite, épouse du roi d’Italie Humbert Ier de Savoie, pour assister au célèbre Palio, les pâtissiers locaux décidèrent de créer une version plus délicate et « royale » du gâteau. Ils supprimèrent le poivre de la couverture, remplacèrent certains fruits sombres par des écorces de cédrat et d’orange plus claires, et saupoudrèrent généreusement l’ensemble de sucre glace.
Baptisé Panforte Margherita, ce « Panforte blanc » connut un succès immédiat. Au point que c’est aujourd’hui la version la plus exportée et la plus appréciée dans le monde entier.
Un produit d’excellence de la gastronomie italienne
Depuis 2013, le Panforte de Sienne bénéficie de l’IGP (Indication Géographique Protégée). Cette certification garantit que le produit est fabriqué selon des méthodes traditionnelles strictes au sein de la province de Sienne.
Le Coripanf (Comitato Promotore per il Panforte di Siena IGP) veille au respect du cahier des charges. Pour être authentique, un Panforte doit contenir :
- Des amandes douces entières de qualité supérieure.
- Des fruits confits (cédrat, orange, et souvent melon pour la version noire).
- Du miel et du sucre.
- Un mélange d’épices (cannelle, muscade, clous de girofle, coriandre).
- Une base d’hostie (pain azyme) qui permet de manipuler le gâteau collant.
Le cahier de charge sauvegarde toujours les deux typologies : le Panforte Nero plus intense, poivrée et contenant souvent du melon confit, avec une couverture d’épices sombres ainsi que le Panforte Bianco Margherita plus doux, aux agrumes confits et recouvert de sucre glace.
Conseils de dégustation et conservation
Le Panforte est un gâteau qui demande de la patience. Ses arômes se développent avec le temps. Pour le servir, il est conseillé de le couper en fines tranches ou en petits losanges. C’est un dessert très riche, une petite portion suffit largement !
Pour l’accompagner, le meilleur choix est traditionnellement un verre de Vin Santo de Toscane ou un Moscadello di Montalcino. Le contraste entre le goût fort et épicé du gâteau et le vin liquoreux est sublime.
Pour la conservation, pas d’inquiétudes ! Grâce à sa forte teneur en sucre et en épices, qui sont des conservateurs naturels, le Panforte se garde très longtemps. Enveloppé dans du papier sulfurisé et placé dans une boîte en métal, il reste délicieux pendant plusieurs semaines, voire des mois.
