La Parmigiana d’aubergines : plat emblématique de la cuisine italienne
La Parmigiana d’aubergines (Parmigiana di melanzane en italien), est bien plus qu’un simple plat. C’est une symphonie de saveurs et de textures, où des tranches d’aubergine tendres rencontrent une sauce tomate riche, du basilic parfumé et des fromages fondants, le tout cuit au four jusqu’à une perfection dorée. Ce plat emblématique est un véritable chef-d’œuvre de l’art culinaire italien, un mets réconfortant profondément ancré dans la tradition et largement imité à travers le monde.
L’origine de la Parmigiana et de son nom
Malgré sa renommée mondiale, l’origine exacte de la Parmigiana d’aubergines reste un sujet de vives discussions. Ce plat, tel qu’il est connu aujourd’hui, est au centre d’une véritable dispute qui persiste depuis des siècles et qui, selon toute vraisemblance, restera irrésolue. Trois régions italiennes – la Sicile, la Campanie (notamment Naples) et l’Émilie-Romagne (Parme) – revendiquent chacune avec ferveur la paternité de cette invention culinaire.
Les théories étymologiques derrière le nom « Parmigiana » sont aussi variées que les régions qui le revendiquent. D’un côté, de nombreux partisans, notamment en Sicile, affirment que le nom dérive de « parmiciana », un terme sicilien désignant les persiennes en bois aux lames superposées. Cette ressemblance visuelle frappante avec les couches d’aubergines empilées offre une origine métaphorique convaincante pour le nom du plat. Le linguiste Fabio Ruggiano, membre de l’Accademia della Crusca, soutient cette hypothèse, citant des dictionnaires siciliens du XIXe siècle. D’un autre côté, certains soutiennent que le nom est une référence directe à la ville de Parme ou au célèbre fromage Parmigiano Reggiano, un ingrédient clé dans de nombreuses versions du plat. L’expression historique « cucinare alla maniera dei Parmigiani » (cuisiner à la manière des Parmesans), utilisée dans les livres de cuisine du XVe siècle pour décrire la préparation de légumes en couches, renforce cette revendication. Raffaele Bracale, un gastronome napolitain, rejette la théorie linguistique de « parmiciana », suggérant plutôt que le plat a vu le jour dans le duché de Parme avant d’émigrer à Naples. Cette hypothèse justifie le fait qu’en France ce plat soit souvent dénommé « Aubergines à la Parmigiana ».
Le rôle de Naples dans la codification de la recette
Bien que l’origine exacte de la Parmigiana reste débattue, Naples a joué un rôle déterminant dans la consolidation de la recette telle que nous la connaissons aujourd’hui. L’aubergine elle-même a été introduite dans la région méditerranéenne par les Arabes au début du Moyen Âge, atteignant la Sicile avant toute autre partie de l’Italie et étant cultivée en Italie dès le XVe siècle. La combinaison d’aubergines, de tomates et de fromage remonte au XVIIIe siècle, une période qui coïncide avec la popularité croissante de la tomate dans la cuisine italienne.
La première « référence » connue à un gratin de légumes en couches apparaît dans le « Cuoco Galante », un best-seller napolitain du XVIIIe siècle du célèbre chef Vincenzo Corrado, originaire des Pouilles mais au service des cours royales. Il est toutefois important de noter que sa version utilisait des courgettes frites dans du saindoux, et non des aubergines. C’est Ippolito Cavalcanti, un autre cuisinier napolitain influent, qui a publié une recette remarquablement similaire à la Parmigiana d’aubergines moderne dans son livre de 1839 : « Cucina casarinola co la lengua napolitana« . Cette recette décrivait des tranches d’aubergines frites, superposées avec du fromage, de la tomate et du basilic, précédant notablement l’usage généralisé du Parmigiano dans ce plat spécifique. La contribution de Naples ne réside pas nécessairement dans l’invention du concept, mais dans son rôle crucial de codification et de diffusion de la recette à travers des livres de cuisine influents.
Des variations à travers l’Italie
La Parmigiana d’aubergines, bien qu’unifiée par son concept de base, présente de délicieuses nuances régionales qui reflètent les produits locaux et les traditions culinaires de l’Italie.
Parmigiana à la Sicilienne : souvent considérée comme une version plus légère, la Parmigiana sicilienne se caractérise généralement par des aubergines frites « nues » (sans panure ni farine). Le fromage de prédilection inclut souvent des variétés locales telles que la Scamorza, le Primo Sale ou la Tuma, en complément ou en remplacement du Parmigiano. Certaines variantes siciliennes traditionnelles peuvent inclure des couches d’œufs durs ou même de jambon, rendant le plat plus consistant.
Parmigiana à la Napolitaine : en Campanie, et particulièrement à Naples, la Parmigiana est réputée pour son utilisation généreuse de mozzarella fraîche ce qui confère une texture plus crémeuse et indulgente au plat. Bien que certaines recettes suggèrent de paner les aubergines avant de les frire, de nombreuses versions préfèrent la méthode de friture simple et « nue ».
Parmigiana émilienne : de façon logique, la version émilienne se caractérise par une abondance de Parmigiano Reggiano. Parfois, de fines tranches de jambon sont intercalées dans le gratin, ajoutant une autre couche de complexité savoureuse. Autres adaptations intéressantes : des versions avec des courgettes frites ou des artichauts à Naples et Cosenza, des pommes de terre ou même une « Parmigiana bianca » à base de légumes variés. Des versions plus légères remplacent souvent la friture par la cuisson au four ou le grillage des aubergines, ou substituent la mozzarella par de la ricotta.